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Retour vers Juin

Tout juste avant le rush qui précède le vide abyssal du mois d’Août, le mois de Juin accueille en son sein de nombreux projets qui méritent toute notre attention. Parmi eux on peut retrouver le retour de têtes d’affiches comme Soso Maness, Naps, le S-Crew mais aussi le départ du Barlou Seth Gueko avec son ultime album : Mange tes morts. Aussi, on a pu apprécier les premiers projets de Sysa, Kai du M et Beendo Z. De BEN plg à Di-Meh en passant par JeanJass et ISK on revient sur ce mois de Juin 2022 assez chargé. C’est parti !

3 Juin

ISK – « Racines » 🏔

Un an après la sortie de son premier album, Vérité, ISK nous est revenu en ce début de mois de Juin 2022 avec son second album intitulé Racines. Ni trop court ni trop long, ce projet de 15 titres accueille cinq collaborations qui partagent le même univers artistique que lui : MIG, Timal, Heuss L’Enfoiré, Niaks et Mister You. Pour ce qui est de la production on peut apprécier un gros casting de 16 beatmakers : Akuma Tracks, Amine Farsi, Ani Beatz, Doubtless, DST The Danger, Flem, Greg K, Hoodstar, Iksma, Layms, Mitch Wave, Noxious, SHK, Stef Becker, Timo Prod et Wladimir Pariente. La cover est elle réalisée par le collectif BLAKHAT qui connait une véritable ascension ces derniers mois.

Révélé avec sa série de freestyles « Acharné », le natif du 77 nous avait habitué à des titres sombres et agressifs qui narrent la rue d’un œil neuf, toutefois, et cela peut se comprendre, ce style ne fut que trop peu présent sur Vérité. Peut être trop brusque, cette évolution nous a poussé à considérer Vérité comme une déception, cependant, on ne peut pas dire cela pour Racines. En effet, ISK a ici montré une progression fulgurante tout en revenant à ses bases, à savoir un rap brut, méchant et puissant. Même s’il est globalement très rappé, ce second album s’ouvre sur un titre introspectif, « Montréal », qui voit sa prod orchestrale monter progressivement et s’additionner à un flow rageur. Cette introspection on peut également la retrouver sur l’entrainant et chanté « Mont Blanc » ou avec « Magroun » qui dégage une grande mélancolie avec un refrain chanté en tunisien. Des titres comme « Nader » ou « Lebron James » abordent eux aussi des thèmes comme la famille, l’héritage culturel ou ses doutes mais avec des couplets plus rapides et aiguisés. Parfaitement organisé, Racines est un album qui s’écoule avec grande fluidité, les morceaux plus doux et personnels permettent de souffler entre chaque ogive. Un élément très appréciable. Comme nous l’avions mentionné précédemment, ce second album peut être vu comme un retour aux sources artistiques avec des titres qui transpirent le rap pur et dur (ce que nous ne retrouvions pas sur Vérité), mais aussi comme un retour aux racines, la Tunisie, avec des instrumentales aux ambiances exotiques (maghrébines). « Pirates » (avec MIG), « Mode S » (avec Heuss L’Enfoiré) et « Archané 11 » font dans la puissance, « Éteindre », « El Golaa » et « Dingue » adoptent eux une ambiance plus obscure et oppressante. Complet, Racines abrite également une boom-bap ravageuse, « Benalmàdena » (avec Mister You) et un tube efficace pour saupoudrer le tout, « Laisse Tomber » (avec Timal). Au delà des écrits et des sonorités, Racines dégage une grande cohérence avec une cover qui mêle ses deux racines, Montréal et la Tunisie, et un clip esthétique tourné à El Golaa, un village du Sud-Ouest de la République tunisienne.

Cohérent, fourni, travaillé et sincère, Racines est un très bon album qui permet à ISK de repartir de plus belle et de se recentrer sur ce qu’il sait faire le mieux : le rap. Un projet à ne pas négliger qui sera assurément inévitable lors des comptes de fin d’année. Bravo !

Seth Gueko – « Mange tes morts » ☠️

Après une vingtaine d’années de bons et loyaux services Seth Gueko nous a dévoilé en ce mois de Juin l’ultime album de sa carrière avec Mange tes morts. Si ce dernier opus est chargé avec ses 20 titres, il faut dire que les invités y sont nombreux et pas des moindres. Gribs, DA Uzi, Lefa, Benjamin Epps, Youssoupha, Kanoé, Souffrance, Le Rat Luciano, Kofs, Akhenaton, Sat L’Artificier, Caballero & JeanJass, Jason Voriz, Roi Heenok, Tovaritch, Stos et Furax Barbarossa sont de la partie. Coté beatmakers, Maj Trafyk, Akim Beats, Ekynoxx, EBTZ Music, Flockaboi, Mousta, Show N Prove, Lofty, Makalo, Hits Alive, VNK, Freaky Joe, DJ Weedim, Elim, AC Beat et Mr. Punisher sont au rendez-vous.

Pour ce dernier projet Seth Gueko s’est plus que jamais surpassé pour faire profiter une dernière fois de son style unique et puissant synthétisé en un album. La sombre cover de Mange tes morts sur laquelle il figure rappelle que Seth Gueko a toujours revendiqué la marginalité sous différentes formes. De sa vie en Thaïlande loin de son 95 à sa passion des tatouages dont il est couvert de la tête aux pieds, en passant par son style vestimentaire (ici une veste en cuir rappelant celui d’un biker) ou ses différentes influences culturelles, la singularité y est omniprésente. Mange tes mort est sous chaque aspect une parfaite illustration de ce que Seth Gueko a souhaité partager pendant ses nombreuses années de musique. D’un coté on retrouve le Professeur Punchline, le très bon kickeur aux rimes puissantes, multisylabiques marquantes, phases percutantes… avec des morceaux boom-bap comme sur « Témoin Zéro », « Nouvelle géné » (avec Souffrance) ou « Morts sous la même étoile » (avec Sat L’Artificier et Akhenaton). On y retrouve également « Last Album », un track au couplet unique et « Last Poètes » (avec Benjamin Epps) où quatre couplets sans refrain s’enchainent efficacement. De l’autre, le Barlou qui nous marque par ses punchlines plus violentes, brutes et grossières, parfois amusantes ou beauf, le tout dans un registre plus agressif comme sur « Mara Salva » (avec Gribs), « Mange tes morts » ou « 7.62 » (avec Tovaritch). Dans l’ensemble la démonstration de rap du Professeur y est impeccable. Tout le long du projet le Titi Parisien nous offre un florilège de punchlines dans lesquelles il envoie à de multiples reprises des piques à la nouvelle génération de rappeurs critiquant un rap faux, vide, impersonnel, dont l’obsession de faire de l’argent, des streams et des vues prime sur celui de proposer une musique de qualité – « J’suis à Marseille ça fume la résina louche, toi pour clipper à Font Vert il te faut un fond vert » sur « Témoin Zéro » – « Je me fous des ventes de la midweek, moi j’éventre la rythmique » sur « Chtiliben » – « Parler d’la nouvelle géné j’vais pas m’gêner, sans exagérer, quand j’entends le niveau des textes j’suis gêné » sur « Nouvelle géné » (avec Souffrance). Seth Gueko évoque d’ailleurs l’évolution générale du rap comme l’une des raisons pour lesquelles il s’en éloigne : « J’me casse de c’rap game, c’est une compét de zouaves » (sur « Morts sous la même étoile » avec Akhenaton et Sat L’Artificier). Seth Gueko évoque également de nombreux thèmes parmi lesquels on retrouve la place trop important de l’argent dans la société, l’influence des médias ou l’impunité des violences policiers – « Désobéissance civique, mais obéissance divine, j’serais pas leur dinde de Thanksgiving » sur « Témoin Zéro » – « La banque de France utilise tes euros, neutralise tes neurones, ils veulent que l’on culpabilise d’être heureux, reproche de trop jouir à un protozoaire » sur « Meurs tout bas » (avec Youssoupha) – « Et pendant qu’les riches mangent des cotes de bœuf, les pauvres, dans les manifs mangent des bottes de keufs » sur « J’veux des sous » (avec DA Uzi) – « R.I.P George Floyd, force à Michel Zecler » sur « Last Poètes ». Sans compter le remix ajouté après la sortie, Mange tes morts se conclut sur « Le Tigre qui Pleure », un titre puissant qui est certainement l’un des plus personnels et touchants du Barlou.

En somme, ce très bon dernier projet ne souffre pas du syndrome de l’album de trop et sonne comme un tombé de rideaux au bon moment. Les invités sont variés, mêlant les générations et les styles de manière fluide et réussie… Seth Gueko aura su nous surprendre une dernière fois. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un arrêt définitif de la musique pour notre Professeur Punchline, Mange tes morts marque malgré tout le passage de flambeau à son fils Stos à qui on souhaite bonne chance pour sa carrière qui ne fait que commencer.

10 Juin

Soso Maness – « À l’aube » ⛅️

Presque un an pile après Avec le temps Soso Maness nous est revenu en ce 10 Juin 2022 avec son quatrième album À l’aube. Composé de 19 titres (dont 3 interludes très courtes), ce projet accueille de grosses collaborations en les personnes de Dinos, Maes, Vladimir Cauchemar, SCH, Josman et Mac Tyer. En ce qui concerne le production on peut noter la présence de beatmakers plus ou moins confirmés qui sont Amine Edge, BBP, DANCE, DECH, Dr Devil, Kozbeatz, O JO, Phazz, ProdByOB, QAM, Thomas Balmayer, Trizy, Vladimir Cauchemar et Wysko.

Possédant un vécu que peu d’artistes peuvent se targuer d’avoir, Soso Maness a toujours su narrer avec justesse la brutalité de la rue que ce soit sur de l’egotrip ou des textes plus profonds et préventifs. Cela, le marseillais a continué de le faire sur À l’aube avec des titres puissants comme « Gerson », « DLB 17 » ou « Piranha ». Drogue, guerre des clans, mort, deuil, tous ces thèmes sont minutieusement abordés de façon à ne rien glorifier tout en imposant une ambiance sombre et quartier. Rapper, le marseillais sait le faire et nous le prouve également sur « Peine de mort » qui adopte une prod boom-bap, sur « Va Jobber » avec SCH qui expose un peu plus leur grande affinité musicale ou sur l’intro « Véridique » qui est un one-shot puissant et nocturne. En parallèle de ce thème central de la violence qui réside en bas des tours, on peut noter la présence de « Crépuscule », « Clé de sol » et « Regarde moi » qui sont plus doux, calmes, mélancoliques et qui lui permettent de se livrer sur ses doutes, sa vie de famille et son parcours semé d’embuches. Outre le kickage et la mélancolie profonde, ce qui fait de Soso Maness un artiste singulier et original c’est son envie d’aller plus loin, d’explorer de nouvelles sonorités, de nouveaux genres. Ce dépassement de soi par l’innovation on peut l’apprécier sur l’électro « L’hymne du Pogo » (avec Vladimir Cauchemar), sur les très rythmés « À l’aube » (avec Dinos) et « Carré Rouge » (avec Josman) ou bien sur l’exotique et entêtant « DLC » (avec Mac Tyer). Toujours très rappés, ces différents morceaux sont parfaitement construits, accueillent des effets de prods et lient à merveille les univers des invités à celui de Soso Maness. Cette envie de pousser la chose à fond se ressent également sur les visuels avec des clips originaux, romancés et esthétiques. Le seul petit défaut (inoffensif) peut se porter sur la cover qui ne fait pas spécialement sens avec la direction artistique de l’album.

Avec À l’aube Soso Maness signe un nouvel excellent album original, abouti et qui varie entre obscurité et luminosité. Un artiste dont on ne se lasse pas et qui semble ne jamais décevoir… on attend le suivant avec la plus grande impatience !

Kai du M – « SHOOTER CLAN » 🔫

Enième artiste issu du mouvement drill, Kai du M, natif de Grigny, s’est tout de suite imposé comme un drilleur efficace qui sait déjà ce qu’il souhaite délivrer et où il veut aller. Apres plusieurs titres particulièrement bien illustrés, Kai du M nous a délivré ce 10 Juin sa première mixtape : SHOOTER CLAN. Composé de 13 titres, ce projet accueille des collaborations avec SDM, Malty2BZ, Théodore, Kossdar, Murs OG et Rosdagang. Coté production on peut noter les beatmakers suivants : AC Beats, Cage Beats, Chanchee, DJ Blax, Exi, Flem, LS Beats, MAAD, Mr. Punisher, Nobody, SA Beats, SoEazy et ZEL.

Hardcore dans ses écrits et puissant dans ses sonorités, Kai du M maitrise à merveille les codes de la drill et se devait de le prouver avec ce premier projet. Sur SHOOTER CLAN la gestion des ambiances est habile et lui permet de déjà se démarquer. Aussi, aucun titre ne semble être un copier/coller du précédent ce qui est forcement remarquable dans un genre où la redondance est vite arrivée. En effet, les instruments, les flows ou les effets de prods sont multiples pour livrer un panel varié et intéressant. Sur le puissant « Acteur » les effets de prod et les extraits cinématographiques permettent à Kai du M de frapper fort, sur « Chez toi » le flow brut et les blancs nous mettent un bon coup de pression. « Intro », « Mapess » et « Bénéfice » amènent eux une ambiance plus horrifique qui colle parfaitement à la cruauté du trafic et de ses règlements de comptes. Véritable shooter aux écrits peu chaleureux, Kai du M se différencie surtout avec des titres qui sortent de son cadre comme « Maudit » ou « Froid » qui sont plus doux dans les flows et les sonorités. Parmi ces 13 titres on note la présence de « Bédo » (avec Théodore), l’ovni du projet, qui adopte une prod club entrainante et chaleureuse et qui amène avec Théodore un contraste vocal très intéressant. Tous très bien construits, les différents morceaux sont esthétiquement illustrés… ce qui montre que Kai du M ne néglige aucun point et est très impliqué dans ses démarches artistiques.

Puissante et méchante, cette première mixtape est un vent embrasé sur la drill française qui montre deux choses. La première est que Kai du M est un artiste singulier au sein de cette masse de clones qui tournent en rond, la seconde est qu’il possède déjà une polyvalence artistique qui va surement lui permettre de tenir sur la durée. On a hâte de voir ce que la AK-47 du 91 nous réserve pour la suite !

S-Crew – « SZR 2001 » 🏎

Depuis leur dernier album sorti en 2016, les membres du S-Crew se sont tous consacrés à divers projets en solo avant de signer leur retour en groupe ce 10 Juin 2022. Ainsi, Nekfeu, Framal, Mekra et 2zer nous ont offert SZR 2001, un album de 20 titres (réédition comprise). Quasi intégralement produit par Hugz Hefner, on retrouve tout de même Kezo et Selman sur les instrumentales du projet. En featuring, Alpha Wann, PLK et Doums sont de la partie. Les noms des 4 rappeurs du S-Crew sont également mentionnés en featuring, chacun sur un morceau en solo. L’artwork a lui été confié à raegular.

Le projet alterne en nous embarquant tantôt sur des prods calmes, parfois presque déprimantes, aux refrains chantonnés, comme « Maintenant », tantôt vers des sonorités plus sombres, laissant place à des morceaux plus kickés comme « Drap sur les opps » ou « Manque de sommeil ». Enfin, certains morceaux plus rythmés tels que « Chez nous » ou « Encore » entrecoupent l’album sans dénaturer l’ambiance globale, qui ne s’en retrouve que plus diversifiée. Tout au long du disque on retrouve le S-Crew qu’on connait. Toujours insurgés face aux violences racistes, particulièrement policières, évoquant les trahisons subies par le passé, la violence du quotidien et du milieu dans lequel ils ont vécu, ou plus largement d’amour, d’argent, d’indépendance dans la musique, leurs egotrips et références, leurs convictions… l’album ne dépayse pas les habitués et s’aborde facilement pour celles et ceux n’ayant pas encore découvert la musique du groupe / « J’regarde jamais les faits divers, j’vois deja tout ça dans mon temps libre, toutes les bavures policières, on n’oublie pas, ça retentit » (N’oublie pas) / « Les initiales de l’Europe sur la gâchette, ceux qui emploient des sans-papiers pour les payer moins cher » (Chez nous). Au cœur de l’album, un thème fort en particulier se détache des autres, celui de la mort et du deuil comme par exemple sur les « N’oublie pas », « Maintenant », « Mauvais dans le fond » ou « 2001 ». Si chacun y trouve l’occasion d’y rendre un hommage personnel à un membre de sa famille, un parent disparu ou un proche, sa récurrence ne semble pas anodine, particulièrement lorsque l’on connait la proximité que le groupe entretenait avec Népal, disparu depuis 3 ans, qui a sans doute motivé cette démarche. Nekfeu l’aborde directement à plusieurs reprises dans certains des morceaux cités ci-dessus / « On n’oublie pas tous ceux qui veulent nous faire, surtout pas tous nos proches dans le cimetière » (N’oublie pas) / « J’sens ta présence, mais j’sais que t’es parti, marre de pleurer ta mort, j’vais célébrer ta vie » (Maintenant) / « Va falloir faire semblant comme d’habitude, sur le bitume, je dois garder mon attitude » (2001). De manière plus générale, chacun des rappeur évoque à sa manière son vécu, sa proximité avec ses proches, et les conséquences des expériences fortes vécues / « Auprès de mes frères j’suis auprès de mes sœurs, j’fais le nécessaire pour mes prédécesseurs » (Mauvais dans le fond) / « J’mets bien mes semblables, j’fais le nécessaire, ça parait invraisemblable quand part un être cher » (2001).

Au bout du compte, SZR 2001 s’avère être une bonne surprise. Peu teasé avant sa sortie, la connexion entre les membres du groupe se ressent toujours. Chacun y apporte son rap, son identité et ses points forts après quelques années à travailler sa musique en solo. On le ressent particulièrement avec l’efficacité des refrains ou de la fluidité des couplets, même sur les morceaux solos qui ne sont pas moins réussis que les autres. Les multiples thèmes et ambiances du projet nous mettent face à un S-Crew sérieux, rétrospectif, plus que jamais fidèle à ses valeurs, lorsqu’ils évoquent leur désir de renverser le système ou de lutter contre le racisme d’état perpétué par la police par exemple. À la fois dans les expériences vécues évoquées, puis appuyé par l’omniprésence des thèmes du deuil, de la famille ou de leurs idées anti-système, cet album est une belle synthèse de l’évolution du groupe individuellement 6 ans après Destins Liés.

17 Juin

JeanJass – « Doudoune en été » ☀️

Un an après son premier album solo Hat Trick JeanJass continue sur sa lancée avec Doudoune en été. Sorti ce 16 Juin, cet album nous propose le meilleur du double J, le tout bien accompagné. Sur le projet le belge produit ou co-produit 8 des 10 morceaux aux cotés de Stwo, Eazy Dew, Dee Eye, AAronson, Johnny Ola et Eskondo. En ce qui concerne les collaborations, Jazzy Bazz, Fuku, Tuerie et Youssoupha sont les quatre invités, et si la tracklist promet, le niveau est au rendez-vous.

JeanJass n’en n’est pas à son coup d’essaie, ni pour les projets solos, ni pour le beatmaking et cela se ressent ici. Doudoune en été délivre des prods puissantes orientés boom-bap pour un projet de kickage puissant embellies par des samples aux ambiances jazz dont il est un grand fan. « Dans le mur », « Je Glisse » ou « Grammy » illustrent assez bien cette énergie, là où « Roberto Baggio » et « Truman Show » dégagent une ambiance plus nocturne et mélancolique dans le choix des prods comme dans les thèmes abordés. Le belge évoque d’ailleurs quelques une de ses références musicales avec « Verre de Chardonnay, petit air de George Benson » sur « Roberto Baggio » ou « J’suis Ali-Booba, d’humeur changeante » sur « Grammy ». Tout au long des titres le kickeur nous délivre les multiples facettes de son rap et de sa vie personnelle. On y retrouve son egotrip assez classique abordant son rapport à la drogue, les voitures, les footballeurs, l’argent, la réussite, sa carrière, son envie de mener une vie tranquille loin de tout… avec quelques phrases qui évoquent la musique et sa consommation par le public, la drogue ou l’écologie – « J’mets 3 ans à faire un album, après deux semaines tu l’écoutes plus, si ça franchement c’est pas un coup de pute »« Aux States ils font des hits en parlant de lean et de cachetons, on nous vend le dream mais nous l’achetons »« Faut pas être Prix Nobel pour voir que tout part en cette-su, dehors 40° Celsius ». Quitte à faire une belle démonstration de style, tant sur le fond que sur la forme, JeanJass surprend avec brio sur « Truman Show » où l’ambiance du morceau nous plonge dans l’ambiance d’un vieux film, là ou sur « S&L » on se retrouve dans un storytelling à thème en deux parties. Le bruxellois nous envoie également sur des thèmes plus personnels. « Inconvénients », par son refrain et son clip, semble évoquer sa fille nouvellement née et le lien important qui les unit. Bien que l’on pourrait exhaustivement lister phases et punchlines marquantes sur le projet, ou notifier à nouveau la présence des excellents Tuerie et Fuku à qui on ne souhaite que plus de visibilité, on constate surtout qu’il n’y a pas de saison pour une Doudoune en été. Des prods aux collaborations, le projet est chirurgical, il s’ecoute et se réécoute avec plaisir.

Si ce projet semble être une suite spirituelle de Goldman sorti en 2014, on ne peut qu’espérer que le public donne tort à JeanJass et fasse tourner Doudoune en été pendant des années !

Beendo Z – « L’Élu » ⚽️

Repéré par Feuneu qui l’a signé sur son label Guette Music, Beendo Z s’est particulièrement illustré ces derniers mois avec sa série de titres « INSPIRÉ DE FAITS RÉELS » qui lui a permis de se positionner comme un rookie intéressant et plein de ressources. Attendu, le natif de Saint-Gratien a logiquement dévoilé son premier projet intitulé L’Élu. Composé de 13 titres (plus « Pas Bête » rajouté plus tard), ce projet accueille une collaboration avec La Fève… un autre élu. En ce qui concerne la production on peut retrouver pas moins de 17 beatmakers qui sont 999 Hxmicide, BKH, Bloody, Bobards, Draco Dans Ta Face, Fulltrap Alchemist, Futtry, Hextii, Isma, ITI Beats, Lamborgwhilly, Maxime Fleury, MeLoBeats, Punch’K, Skyjee, TIGRI et Wxrry.

Kickeur performant capable de frapper sur des prods drill comme d’autres plus classiques ou lumineuses, Beendo Z se devait de satisfaire son public qui se fait de plus en plus grand tout en commençant déjà à se diversifier pour ne pas sombrer dans la masse. Et justement, c’est ce que le natif du 95 a fait ! Pour ce qui est du coté drill et découpage, cette ambiance et relativement majoritaire au sein du projet avec des titres comme « Booska Z », « Chrome », « EDL 75 » ou « 17 Joints » qui font assurément le boulot avec des prods et des flows assez différents. L’intro, « Le Papa », expose son aisance pour l’egotrip et amène une touche d’originalité avec des effets de prods et un changement d’instrumentale. Cette originalité on peut également la noter sur sa collaboration avec La Fève, « Est-ce que c’est vrai ? », qui mêle bien leurs deux univers mais aussi sur « 1ère Pierre » qui repose sur un contraste prod douce/flow rapide. Rapper, Beendo Z sait le faire et le prouve, mais ce qui attire ici notre attention c’est qu’il pousse son écriture au-delà de l’egotrip pour se livrer sur des morceaux comme « Cas Contact » ou « Ngannou » qui utilisent des thèmes comme le covid ou la boxe pour illustrer son vécu, ses doutes et sa position dans la musique. Pour saupoudrer le tout, le rookie du 95 nous gratifie d’un titre lumineux et entêtant, « L’Élu », idéal pour un doux et chaud coucher de soleil. Une autre facette qui n’est pas à négliger au sein d’un univers jusqu’ici assez cru, brut et sombre.

Equilibré et pas seulement axé sur de la drill, L’Élu est un premier projet encourageant qui nous a permis de voir que Beendo Z est un artiste aux facettes multiples qui a tout pour s’imposer durablement. On attend de voir la tête brulée sur un véritable album qui confirmera nos espoirs !

24 Juin

Sysa – « Nueve » 🩸

Désormais rookie important de la scène marseillaise depuis ses apparitions remarquées sur 13 Organisé et Classico Organisé, Sysa, natif de La Cayolle, a dévoilé, et ce après sa série de freestyles « C’est Nous La Cité », son premier projet intitulé Nueve. Nommé comme son numéro d’arrondissement, ce projet de 17 titres n’accueille que deux collaborations 100% marseillaises : Jul et Le Rat Luciano. Coté production on retrouve 13 beatmakers qui sont Bicoprod, Cosca Beats, Evi Beats, Keybee On The Thrack, Louis the beatmaker, LSB, Nehzia, Prymus, Raed, Samossprod, Swisher Beats, Wild MT et Wysko.

Première recrue d’OM Records, Sysa dispose des meilleurs conditions pour publier ce premier projet qui représente une étape importante dans sa jeune carrière. En effet, Nueve doit lui permettre de se présenter, de séduire un nouveau public et ce tout en restant fidèle à l’univers instauré jusqu’ici avec « C’est Nous La Cité ». Cela le marseillais l’a bien compris et a choisi l’introspection pour plonger l’audimat dans son monde. Très mélancolique et intime, Nueve peut être vu comme une thérapie pour Sysa qui aborde son passage en prison sans pour autant le glorifier, sa relation avec son père et l’absence de sa mère ou bien sa vie au sein de son quartier qui peut être tantôt destructeur tantôt motivateur. Ces multiples sujets sont présents dans chacun des titres du projet mais de manières différentes ce qui ne rend pas le tout uniforme et redondant. Sur « Billet violet » on peut noter un contraste entre une voix chargée en émotion sur les couplets et un chant enivrant sur le refrain. « Hostile », « En bas », « Guérilla », « Destinée » et « Lettre à un frère » s’inscrivent dans la même lignée. Cependant, et c’est cela qui fait le charme de Nueve, Sysa réussi ici à transposer ces thèmes sur des titres plus énergiques, rappés et surtout originaux. Sur « J’ai Mal » et « Organisé » par exemple, il joue en livrant des écrits puissants et des flows cadencés sur des prods singulières mi « old-school mi modernes ». Cette originalité on peut également la retrouver sur les deux collaborations avec Jul et Le Rat Luciano. La première est un superbe tube mélancolique qui abrite une belle prestation du J, la seconde, entre chant et rap nuageux, est une magnifique passation de flambeau entre deux générations. Révélé avec des freestyles bruts et axés sur la vie de rue, Sysa n’a sur ce projet pas oublié ses auditeurs de la première heure avec des titres comme « Tripoli », « Cinco » et « PGP » qui frappent fort et qui ne quittent jamais vraiment son coté sincère et revendicateur. Bien fourni niveau sonorités, Nueve l’est aussi visuellement avec un court métrage en trois épisodes qui met bien en valeur ses écrits. Une performance à saluer pour un artiste qui n’en n’est qu’à ses débuts et qui propose déjà un contenu très professionnel.

Complet avec des morceaux pour tous les goûts, des écrits déjà très matures et intimes et des visuels esthétiques qui saupoudrent le tout avec une touche cinématographique, Nueve est un beau premier projet qui atteste de la grande qualité lyricale de Sysa. Un artiste prometteur qui n’est pas destiné à cirer le banc de touche !

30 Juin

Di-Meh – « OV3 » 🔥

Six mois à peine après la réédition de son premier album 3ayne & Mektoub, Di-Meh enchaine avec une mixtape boom-bap intitulée OV3 (On Veut 3aeish). Composé de 11 titres (12 sur vinyle) ce projet accueille un beau casting d’invités avec Dollypran, Caballero, Benjamin Epps, JeanJass, Mairo, Slimka, Woody, Buds, Nirmou, Hash24, Ouss 47 et Zekwé Ramos. En ce qui concerne la production celle-ci est essentiellement assurée par Sperrow qui se voit rejoint par Nnnruah, Neya, KLP, Nicholas Craven, JeanJass, Pandrezz et Epektase.

Après un premier album entre kickage, ambiances sombres et mélodies, Di-Meh semble vouloir revenir aux sources avec un projet boom-bap moderne. Ici le jeune suisse nous offre une belle démonstration de rap pur et dur sur fond d’egotrip et de punchlines poussées, le tout en rendant hommage aux artistes des années 90 et 2000. En effet les clins d’oeil et dédicaces y sont nombreuses comme par exemple sur le refrain de « Amis » – « Et les amis changent, l’argent les rend étranges, Et si tu manges mieux qu’eux, ils se vengent » – qui est un sampling de « Pourquoi ? » de Busta Flex. Ces reprises de phrases on peu également les retrouver sur « Top Tweet » (avec Benjamin Epps) avec son évident clin d’oeil à Nessbeal – « À chaque jour suffit son top tweet » – (« À chaque jour suffit sa peine ») ou bien sur « Prends un ticket » qui accueille en son refrain « On est pas nés sous la meme étoile », le classique d’IAM. Dans les clins d’oeil les plus récents on peut retrouver sur « Top Tweet » le – « Chut, fait d’la qualité en guise de pub » – qui n’est pas sans rappeler le – « Si j’lai fait, tu peux l’faire, qualité en guise de promo » d’Alpha Wann sur « apdl ». À ces nombreuses références s’ajoutent de nombreux name droping tels que le Wu-Tang Clan, Tupac, La Fonky Family, Nessbeal, Le Rat Luciano ou Denzel Curry. Au-delà de ses écrits référencés, egotrips et techniques à souhait, Di-Meh livre une palette d’ambiances diverses. En effet on peut retrouver de la puissance et de l’énergie sur « OV3 » et « Chocolat » (avec Dollypran), de la luminosité sur « Prends un ticket » et « Veuve Clicquot » (avec Caballero) ou de la mélancolie entrainante avec « Train de vie ». Maitrisées à merveille, ces différentes atmosphères permettent au suisse de livrer une large palette (sans dénaturer la boom-bap centrale) qui plaira aux anciens comme aux plus jeunes.

Energique, performant et démonstratif de ses grandes ressources, OV3 est un véritable tour de force… une démonstration de rap pur ! Avec ce 11 titres le genevois nous offre un sans faute qui fait guise de bol d’air frais sur le rap francophone. On attend avec impatience de voir la suite !

NOS MORCEAUX DU MOIS

ISK – « Mont Blanc »
Soso Maness – « DLB 17 »
Kai du M – « Acteur »
JeanJass – « Dans le mur »
BEN plg – « Humain »
Jul – « Flouz »
Naps – « Ma Best » (ft. Kalif Hardcore)
Sysa – « J’ai mal »
Seth Gueko – « Témoin Zéro »
Théodore – « Perron »
Larry – « BEEP BIP »
S-Crew – « 22 »
Di-Meh – « Train de vie »
Beendo Z – « Ngannou »
Gambino – « Masterclass »
winnterzuko – « 115 »
Bosh – « Doser »
Gotti Maras – « BX DRILL 7 »
ISK – « Benalmàdena » (ft. Mister You)
L’As – « Dose »
TripleGo – « Calle »
Beendo Z – « Le Papa »
Soso Maness – « Gerson »
Dwen – « Pochtar »
Naps – « 
Critikal »
Malo – « OK » (ft. La Fève)
NonioCLST – « TNT »

Kerchak – « Kerchak »
Sysa – « Hostile »
Isha & Laylow – « Chicha Ski Nautique »
Di-Meh – « Nonante-huit » (ft. Mairo)
i300 – « Alysha » (ft. Gambino LaMG)
Diddi Trix – « Comme 2Pac »
Seth Gueko – « Last Poètes » (ft. Benjamin Epps)
WeRenoi – « Jamal »
Thabiti – « Lifestyle »
Souffrance – « Singe Savant »
Kai du M – « Intro »
Soso Maness – « Carré Rouge » (ft. Josman)
Veust – « Colors »
Doums – « Movie »
Sysa – « Génération » (ft. Le Rat Luciano)
MadeInParis – « Secret »
S-Crew – « Djadja »
Gueule d’Ange – « Champagne » (ft. Leto)
MelBeats & Irko – « MZ »
ISK – « Magroun »
Jwles – « Tête basse »
Kai du M – « Chez toi »
Di-Meh – « Chocolat » (ft. Dollypran)
Mehdi YZ – « Zampa »
rad cartier – « THERMAL ZOOK » (ft. Lazuli & Lala &ce)
13 Block – « Vie de gangster »