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Retour vers Avril 2023

Comme chaque mois de Ramadan annuel l’industrie du rap se retrouve à l’arrêt. Si un grand nombre d’artistes et personnes de l’ombre en profitent pour se ressourcer, d’autres, justement, profitent de la place pour tester de nouvelles approches marketing ou pour tout simplement s’accaparer le vide dans le calendrier des sorties. Parmi eux on peut retrouver Jnr qui a enfin dévoilé son premier album, Junior, mais aussi d’autres comme Meryl ou Le Risque. De ya$$ à Sheldon en passant par Driver & Le A on vous résume ce mois d’Avril !

4 Avril

ya$$ – « FUTUR BO$$ » 💸

Originaire de Rennes, membre du Tipi Mobb aux cotés de Don K, le rappeur ya$$ est très actif depuis son entrée dans le game en 2022. Enchainant EPs, singles puis freestyles en solo comme en groupe, le jeune rennais ne cesse de démontrer son envie et l’étendue de son talent en maintenant une grosse cadence de sorties. C’est sur un disque un peu plus long, Futur Bo$$, que le découpeur nous dévoile plus largement son art à travers 10 titres. Accompagné par Jack’, L’Don et Don K, c’est sur des types beat que ya$$ fait ici ses armes.

Autoproclamé futur patron, ya$$ détonne par sa polyvalence, ses rimes et son flow nonchalant ponctué de phases efficaces. Entre le morceau éponyme taillé pour la ride, « BEAMER », morceau de piano aux sonorités drill, le puissant « NIKES ON MY FEET » ou le dansant « SERS MOI UN VERRE », nul doute que vous trouverez forcement des morceaux qui vous parleront dans cette musique de grand millésime. Généreux en egotrip tout en rappant quelques aspects de sa vie, le cracheur de feu nous dévoile plus clairement qui il est et ce qui l’anime. Malgré le peu de certitudes qui l’effleurent, ya$$ ne se pose plus de questions. Il en est convaincu, l’avenir lui réserve de belles choses, ce n’est plus le moment d’attendre mais d’agir. Conscient des sacrifices qu’impliquent ses ambitions, rien ne semble plus certain que son désir de mener une vie paisible où l’argent ne manquera pas. Du coté des opprimés et des précaires, pour lui, les futurs boss c’est lui, c’est eux. S’il sait d’où il vient et où sont les siens, qu’il n’hésite pas à saluer tant du coté de ses proches intimes que de ses amis rappeurs, il ne se fait pas prier pour descendre tous ce qui lui inspirent le dégoût. Entre « élite en costard blanc », Pierre Palmade ou la police, peu de doutes sur ce qui exècre ya$$. Pour se vider la tête, alcool, femmes et ébats semblent rythmer le quotidien de celui qui aspire à une vie tranquille mais pleine de succès. Amateur de foot et de pop culture, le rennais n’hésite pas à mentionner ses influences musicales, ici Serane, Hamza et Lala &ce, puis Zidane ou Baki coté foot et mangas, qui constituent sans doutes ses passions hors de la musique.

Belle découverte de ce mois d’avril, ya$$ nous propose ici une palette plutôt large de ce dont il semble capable dans de multiples registres. Avec ses allures de carte de visite, Futur Bo$$ nous embarque dans les prémices d’une aventure musicale qui semble plus que prometteuse. C’est sans doute une mise en bouche de ce qui nous attend pour la suite !

7 Avril

Driver & Le A – « Congés Payés » 🍸

Bien que l’été ne soit pas encore arrivé, le projet qui nous accompagnera dans cette période semble déjà annoncé. Ce dernier est un EP commun de 7 titres intitulé Congés Payés et porté par Driver et Aelpéacha surnommé « Le A ». À leurs cotés on retrouve des artistes comme Stomy Bugsy, Papillon Bandana, MSJ, 2nd II None, Pimp Cézair et Ryu Mc, de quoi nous replonger quelques années en arrière dans le hip-hop français. Coté compositeurs, Aelpéacha, Mofak el jouini, Sylvain Obriot, Deon Barnett, Kelton McDonald et Alexandre Monfort s’occupent de tout.

Depuis leur première connexion Aelpéacha et Driver n’ont jamais vraiment cessé de faire de la musique ensemble, et quoi de mieux pour sortir un projet commun que de revenir aux bases ? C’est donc dans l’univers ensoleillé de la G-Funk que les deux compères découpent au micro. Illustré par un visuel Pen & Pixel, rampant sur des instrumentales tres orientées Funk et West Coast, le maire de Sarcelles et Le A nous démontrent que ni ce courant ni leur talent n’a pris une ride. Avec des morceaux tous rythmés et entrainants difficile de ne pas au moins bouger la tête sur chaque titres. Le contenu proposé ravira à la fois leurs fans de l’époque et les amateurs de musique pour l’été et la voiture. Au programme, de l’egotrip, de belles femmes, du sexe, des soirées agitées, de la ride et des grosses sommes… la formule la plus simple reste la plus efficace dans ce registre. Les deux acolytes le démontrent avec un rap qui glisse parfaitement sur les pistes, agrémentées de refrains très mélodiques ou chantonnés.  Accompagnés par des artistes iconiques tels que Stomy Bugsy ou Papillon Bandana, cet EP aura de quoi rendre nostalgique plus d’un face à ce retour temporaire dans une ère aux sonorités G-Funk.

Excellement produit et rappé, cette écoute est un véritable voyage dans le temps qui saura sans nul doute conquérir le cœur et les oreilles de tous les amateurs et amatrices d’un tel style. Driver et Aelpéacha n’ont rien perdu de leur superbe et nous n’attendrons sûrement pas le début de l’été pour faire tourner en boucle Congés Payés.

JNR – « Junior » 📍

Révélé aux yeux du grand public en étant victime d’une camera cachée de Greg Guillotin, Jnr n’a à la surprise générale pas profité de son buzz pour publier un projet que beaucoup attendaient. Payante, cette stratégie lui a permis de maintenir une attente autour de lui jusqu’à ce 7 avril, date de sortie de son premier album intitulé Junior. Composé de 15 titres (+ 2 bonus), ce projet accueille un casting 100% 5.9 avec la présence de Bekar, Zkr, Gradur et Gips. Coté production on retrouve 18 beatmakers : BLN Prod, DJ Bellek, Focus Beatz, Junio Beats, Kuro, Lowonstage, Lucas Dante, Lucci’, Marlo, OG’s, Paul Redon, Rim’s, RJacks & Masta, Sam Gee, Stef Becker, Vasto, Wallashi et Yahia.

Si ces deux années « d’absence » (il n’est jamais vraiment venu ni parti) ont été longues pour tous les auditeurs qui attendaient de le voir à l’œuvre, elles ne l’ont pas été pour Jnr qui a su se poser, digérer son buzz, planifier son plan marketing mais surtout travailler sa musique… le plus important. Et ce travail se ressent justement lors de la première écoute. Avide de proposer son art à ceux qui pensaient que le coche était passé pour lui, le natif de Hem entre sur ce projet avec une intro guerrière accompagnée d’un flow découpeur et entrainant. Car oui, Junior est un projet globalement rappé qui laisse l’opportunité à Jnr de placer différents flows. Hachés, coulants, vifs, ces placements amènent un sentiment de sérénité et de grande facilité de sa part qu’on peut ressentir sur des titres comme le nocturne « Rétro 4 », l’entêtant « Inhumain » ou l’osé et original « Rêve Noir ». De plus, Jnr a su utiliser son timbre de voix sur « Hermes » ou « 4 étoiles » pour accentuer les ambiances véhiculées. Ces ambiances, qui passent de balades crépusculaires à obscurité ou luminosité, sont parfaitement gérées avec des backs, des effets de prod/voix, des ponts nécessaires pour fluidifier le tout, et donnent une vraie pluralité à Junior. Maitrisé avec de bons choix d’instrumentales, ces morceaux sont accompagnés d’écrits assez légers (ou pas) qui abordent l’argent, la pression autour de lui, sa vie au quartier, la drogue, le rap, sa famille ou les femmes. Sincère dans ses lyrics, Jnr ne semble pas se forcer et passe alors naturellement d’un titre festif comme « Qui Donne » (avec Gips) à un autre beaucoup plus puissant et egotrip comme « Recette » (avec Gradur). En parlant des collaborations, ces dernières amènent toutes leurs touches perso pour donner de beaux cocktails. L’alchimie y est omniprésente et Jnr semble assoir sa domination. Si le roubaisien a prouvé tout le long de Junior qu’il est un très bon rappeur, il a également montré quelque chose de très intéressant. En effet, ici les titres nous permettent d’apprécier des performances hybrides entre rap et chant… on ne sait pas mettre un nom sur son style unique et original. Cette originalité lui a donc permis d’éviter de se perdre à savoir s’il y a assez de tubes ou de titres rappés. Junior s’écoute facilement et la cohérence est au centre de l’album. Complet, Junior ne le serait pas sans une petite touche de mélancolie ou plus personnelle avec des titres comme « Brolik » ou « Houdini ». En bref, on trouve de tout dans ce 15 titres où la sincérité, le boulot, l’initiative et la diversité sont le mot d’ordre.

Travaillé avec sérieux et application, varié dans ses ambiances pour donner à manger à tout le monde, Junior est un très bon premier album qui a prouvé que Jnr a bien fait de ne pas se précipiter pour publier ce projet. Le niveau et potentiel affiché par le natif de Hem ne peut être qu’une bonne surprise qui nous pousse à veiller aux moindres de ses sorties. Réussite !

14 Avril

Meryl – « Ozoror » 🇲🇶

Depuis Quarantaine sorti en 2020, Meryl a multiplié les apparitions en feat, délaissant un temps l’aspect solo de sa carrière, tant sur le plan musical que communicationnel. Ozoror signe ainsi son retour avec un 8 titres coloré et produit par Marlin, F-side, Josh, Liljay, Lazy Flow, Max & Sens, Kosei, Sectra et YoungKio.

Éclectique dans son art, Meryl ne s’est jamais imposée de barrières en se cantonnant uniquement au rap ou au chant. Ce projet est une nouvelle exécution très réussie de ses multiples inspirations musicales. Artiste martiniquaise ayant toujours revendiqué avec fierté ses origines, cet EP est un moyen pour la rappeuse de le démontrer plus que jamais. On ressent cette volonté à travers les sonorités très estivales des morceaux en plein mois d’avril. Connue pour ses qualités de toplineuse au service de sa musique et de celle des autres, « Coca-Cola Mentos » est un très bel exemple du talent de Meryl dans des morceaux entrainants aux refrains millimétrés toujours d’une efficacité sans pareille. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une nouveauté pour ses fans, certains de ses titres tels que « Lovestory » ou « Jack Sparrow » sont chantés en créole martiniquais, une manière de montrer qu’elle n’oublie pas ni d’où elle vient ni les gens qui en sont originaires. Cela s’inscrit dans sa volonté de mettre sur le devant de la scène les artistes antillais dont l’exposition globale reste encore assez faible. Maintenant la volonté de mettre en avant les siens et sa provenance établie, ses textes forment la continuité de cette idée avec ses nombreuses références à des termes liés à la navigation, en évoquant des navires, des pirates, à l’idée de ne pas se fier au vent, donnant l’image d’une artiste, voir d’une pirate, qui traverse les océans semés d’embuches pour faire connaitre sa musique. D’autres phases captent d’ailleurs notre attention puisqu’elles se réfèrent à la situation passée ou présente des « Drom-Com » dont la Martinique fait partie. « Peu de moyens, beaucoup d’OGM » sur « Vite » se réfère à la fois à la forte précarité du territoire ainsi qu’aux multiples OGMs et pesticides utilisés ayant contaminé les sols et les habitants pendant de nombreuses années. « From négrier, maintenant que boat party » sur « Ghost » aborde explicitement le passé de colonie et d’esclavagisme dont l’ile et ses habitants ont été victimes. Sur des thèmes plus larges, Meryl aborde son parcours difficile, l’absence de son père, l’amour et le sex, les obstacles rencontrés, sa volonté d’accumuler les biens pour ne plus revivre la misère… agrémenté d’egotrip ici et là.

Ozoror signe un retour réussi de Meryl qui n’a rien perdu de son talent et qui semble plus que jamais déterminée à remplir les multiples objectifs qu’elle semble s’être fixé. Cet EP est une belle mise en bouche qui nous donne hâte de voir la suite. Vivement l’album !

21 Avril

Le Risque – « CPPR (C’est Pas Pour Rien) » 🔞

Natif de Longjumeau dans le 91, Le Risque s’est lancé dans le rap en 2021 par le biais d’une série de titres nommée « Aggrave ». Proche d’artistes comme MIG ou Zokush aux cotés desquels il forme le mouvement O2GENÉ, Le Risque a décidé de prouver que les espoirs placés en lui ne sont pas anodins en livrant sa première mixtape intitulée CPPR (C’est Pas Pour Rien). Bien fourni avec ses 16 titres, ce premier long format accueille des collaborations avec Fresh LaDouille, UZI, Beendo Z et logiquement MIG et Zokush. À la composition on retrouve 13 beatmakers qui sont Draco Dans Ta Face, Finvy, Keybee On The Track, Lakas On The Track, ODP, Ortega, Ozhora Miyagi, RJacks & Masta, Ryuk, SW Music, Unfazzed, Uno Seis et Yungko.

Révélé avec l’essor de la drill et grâce à l’exposition croissante de MIG, Le Risque est un artiste qui sans surprises rappe la rue. Avec violence et puissance on peut retrouver des écrits qui abordent les trahisons, la garde-à-vue, la drogue, le sex, les règlements de compte, l’argent, la police, les go-fast, les vêtements des charbonneurs… bref, toute la palette du ghetto. Thèmes très exploités par le rap français, et souvent avec facilité, Le Risque est alors, comme beaucoup d’artistes, placé comme un rappeur parmi tant d’autres et ce dès ses débuts car il n’affiche pas un univers spécialement novateur. Et c’est là tout l’enjeu de cette mixtape, prouver au public qui pourrait zapper son nom qu’il mérite une toute autre considération que celle du 1000ème clone. Ici, Le Risque est resté fidèle à lui-même en livrant un bon nombre de morceaux puissants, bruts, nocturnes, sombres et imposants dans les sonorités. Toujours cru et méchant dans ses dires, le parisien a su faciliter l’écoute d’un projet assez homogène en variant ses flows, en faisant de bons choix de prods et en s’appliquant sur la construction des morceaux (ponts fluides, répétitions, échos, effets de voix). Des titres comme « Akrapovic », « CPPR », « Cramé » ou « La Nuit à Paris » sont de beaux exemples qui illustrent son talent et qui le singularisent avec brio. D’autres plus classiques comme « 6 Coups », « Khali » ou « Coupable » font le boulot demandé et ne font pas tache. Impliqué dans son travail avec un socle solide, Le Risque a aussi profité du format mixtape, qui ne possède pas de réelle structure, pour dispatcher des ouvertures qui lui permettraient de montrer autre chose loin de son style de prédilection, mais aussi de grappiller de nouveaux auditeurs. Bien faites, ces dernières donnent un sentiment de sincérité. Le Risque ne s’est pas forcé pour livrer un tube avec « Ballon d’or » (avec UZI) ou pour chantonner sur « Donner »… et cela se ressent. Présents au nombre de trois, ces intrus à la violence ont permis au Risque de ne pas tomber dans le même piège que son compère MIG : se faire déborder par les ouvertures et travestir son univers instauré jusqu’ici. Confiant en ce qui concerne ses capacités musicales, le danger du 91 a également proposé des clips intéressants avec « Go », filmé en P.O.V, ou « Aggravage 3 » (avec MIG & Zokush) qui part dans tous les sens. Les invités eux n’ont pas livrés des performances remarquables mais affichent tout de même un niveau satisfaisant.

Homogène sans donner une impression de longueur, travaillé pour ne pas sombrer dans le vu et revu, CPPR est une bonne première mixtape qui assure définitivement les bases rue et violentes du Risque et qui par la même occasion laisse entrevoir un autre visage qui sera sans doute exploité plus profondément sur le prochain opus. Un projet encourageant pour la suite !

28 Avril

Sheldon – « Îlot »

Membre clé du collectif 75e Session, précédé par une réputation d’homme de l’ombre du rap français, 2023 marque le retour de Sheldon avec son nouvel album : Îlot. Avec 16 titres sans featuring, Sheldon compose quelques prods aux cotés d’artistes tels qu’Epektase, Willy H.O.G, Anbuu, Yung Coeur, J’san et Minghus.

Illustré par une cover au bleu sombre, seul au sommet d’une tour entourée du vide, Sheldon semble à la fois rapper face à lui et pour lui-même, l’absence d’invités pouvant appuyer cette idée. Plutôt intime dans les thèmes abordés, c’est un homme nostalgique qui se livre le long de ses morceaux, n’hésitant pas à faire la retrospective des événements de sa vie, de ses choix, de ses sentiments ou de ses désirs. De l’introduction, qui témoigne de sa volonté de revivre ses souvenirs d’enfance, jusqu’à ses mal être évoqués dans « Walkman », parlant également d’amour, de peines de cœur, de son désintérêt pour la postérité, des ses questionnements réguliers… Sheldon semble être en plein cheminement pour trouver la paix et la stabilité loin de la violence qu’il exècre, malgré les tentations que lui offre la vengeance. L’importance de faire et d’écouter de la musique, de repriser, l’envie d’accumuler des biens, de raisonner les siens quitte à coder à l’impulsivité, et d’affirmer son statut talentueux composent une mosaïque de points centraux de la vie du parisien. Plus généralement, les sujets abordés collent fortement aux ambiances nocturnes des titres. « Light Off » exprime assez explicitement les penchants pour l’obscurité et les moments de solitude de Sheldon lorsque ses doutes et ses souffrances prennent le pas sur le reste. Se qualifiant « d’inapte à vivre en société », persuadé d’avoir besoin d’un psy mais n’osant pas franchir le pas, tiraillé entre ses mauvais cotés et sa volonté de rester sur le bon chemin, lui et les siens… nombreux sont les aspects sur lesquels le membre de la 75e Session se dépeint plutôt négativement, et qui, malgré les efforts, semblent difficiles à effacer ou surmonter. On se retrouve vite bercé par ces morceaux aux instrumentales à la fois légères et planantes, souvent portées par des refrains mélodieux entêtants, qui contrastent avec le pessimisme et l’introspection portés par Îlot. Si quelques titres comme « Noir parler » ou « Oracle » se démarquent respectivement par leur coté un peu plus rythmé ou sombre, l’album reste assez homogène dans sa globalité. Les prods sont assez similaires dans les sonorités tout en se distinguant entre elles, Sheldon y pose sa voix avec un flow calme et autotuné pour rendre le tout plus harmonieux. Le résultat est particulièrement efficace sur les refrains, contribuant à les faire rester en tête aisément. La forme est assez semblable à ce que l’artiste proposait sur son précédent projet, Spectre, ce qui devrait ravir ses fans.

Ce projet s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, un univers mélodique où Sheldon se livre sincèrement et démontre l’étendue de sa palette et de sa plume dans ce registre mélancolique, froid et nocturne. Moins surprenant que le précédent volume sur la forme, Îlot reste tout de même une belle réussite qui nous emmène en orbite sur Mars avec lui, le temps de partager sa solitude.

Elh Kmer – « Vivaldi » 🍂

Ancien membre du collectif 40000GANG, Elh Kmer n’est pas un petit nouveau et exerce en solo depuis 2017. Après sa série d’EP’s 4 Saisons le natif du 9.2 a décidé de délivrer en ce 28 Avril son premier album solo intitulé Vivaldi. Composé de 16 titres, ce projet n’accueille aucune collaboration. La production est elle assurée par 15 beatmakers qui sont Alexandre Bouillet, Ever Mihigo, Freaky Joe, Globe Saucer, Heavy, Kheir, Krisla, LaSource, Lou Binks, Nakah, Otomo, Plyer, PSK, Taria et Traplysse. La cover, shootée en Islande, a été réalisé par Charlotte Steppé.

Révélé au milieu des années 2010 par Booba, on peut dire qu’Elh Kmer a fait du chemin depuis 2015, date de sortie d’Anarchie, le seul et unique album du 40000GANG. En effet, avec sept projets à son actif depuis 2017 le camerounais a su imposer son univers, qui passe du rap obscur au chant mélancolique et lumineux, et a presque fait oublier son groupe. Artiste investi et motivé, Elh Kmer a instauré un cadre et une direction artistique nouvelle avec les 4 EPs 4 Saisons qui explorent les différentes facettes de sa musique. De ce fait, son premier album, logiquement nommé Vivaldi en référence aux 4 saisons du compositeur de musique classique, a pour objectif de montrer tout ce que l’ex membre du 40000GANG sait faire, et ce sur un projet structuré et profond dans sa construction. Bien organisé avec des interludes narrées qui reviennent sur ses doutes, son envie d’aller plus loin ou sa nostalgie, Vivaldi s’affiche comme un projet assez introspectif où le camerounais se livre avec sincérité et spontanéité. Ce coté personnel peut se retrouver tout le long de l’album avec diverses ambiances proposées. Envie de changer d’horizon sur une prod lumineuse avec « Nouvelle Map », romantisme nostalgique sur l’entrainant « Cœur flottant », débrouillardise nuageuse avec « Sherif » ou soif de vaincre par le biais de l’excellent « Monsieur », Elh Kmer surfe bien sur les différentes atmosphères et sonorités pour raconter vraiment tous ce qu’il a à dire. Toutefois, si certaines performances comme « 400m2 », « Monsieur » ou « Cœur flottant » affichent un gros niveau et un bon potentiel dans ces registres, la majorité des morceaux semblent loins de concorder à ce que le parisien est capable de délivrer. Brouillon ou lent par moment, le bilan après la première écoute nous pousse à nous demander quelle direction souhaite vraiment prendre Elh Kmer. Car si la cohérence, le travail et l’envie de proposer quelque chose de different sont là, son vrai objectif avec Vivaldi (ouverture ou confirmation ?) reste lui flou. Par conséquent, le projet, qui a tout d’un réel album avec une structure solide, peut ravir ou décevoir. Cela dépend de l’angle de vue de chacun. Pour notre part nous retiendrons les bons points comme les choix de prods ou les écrits plus poussés qui nous amènent à espérer un rendu encore plus au dessus sur le prochain album.

Travaillé avec une réelle implication qu’on ressent dans la construction, Vivaldi est un album en demi teinte. Intéressant par moment avec une envie d’oser, cet album affiche quelques longueurs. Elh Kmer doit savoir vers quoi il souhaite s’orienter artistiquement et quel public il désir toucher. Les qualités sont là, reste à confirmer pour le « nouveau Monsieur » !

Houdi & Stony Stone – « Avant les yeux » 🥽

Après le très réussi « DJINN » sur le projet d’Houdi, Stony Stone et le cagoulé ont décidé de réitérer leur collaboration, faisant naitre Avant les yeux, un EP commun de 7 titres. Les compositeurs ne sont autre que Seak, Louisthebeatmaker, Kronos, Ghost Killer Track, Giovanni, PushK et Sobek.

C’est d’un simple featuring sur un morceau aux sonorités 2step que semble avoir découlé une véritable alchimie entre les deux rappeurs. D’un coté Houdi, jeune artiste cagoulé de Seine-et-Marne, dont les morceaux revendiquent les grandes ambitions, l’insolence et son amour pour les femmes. De l’autre, Stony Stone, tout droit sorti de Marseille, qui a su se mettre en avant à travers sa série de titres « Step », démontrant ses qualités sur la 2step. Avec des refrains très attrayants, sa précarité qu’il revendique, ses addictions et son univers teinté de violence et de noirceur, on accroche très facilement à sa musique. C’est ainsi que cette belle rencontre artistique a fait naitre un projet très hétérogène dans les ambiances dynamiques qui saura facilement captiver les auditeurs. Dans l’ensemble, ce sont des morceaux assez rythmés que l’on retrouve sur Avant les yeux. Tous deux habitués à rapper sur de la 2step, on en retrouvera naturellement sur « CALCULS » mais pas que… Des sonorités très marseillaises de « PAS NORMAL » à « HNINA », le hit très club de l’EP, jusqu’au plus sombre mais puissant « BRUME », il y en aura pour tous les goûts. La grande maitrise et complémentarité des deux artistes, aux couplets autant qu’aux refrains, devrait assez rapidement vous faire adhérer à cet EP. Le disque transpire la volonté de sortir un projet réussi. Proches de leurs familles, déterminés à gravir les échelons de ce foutu rap jeu, face aux trahisons vécues, relatant leur rythme de vie rapide et leurs consommations, motivés plus que jamais à ramener de grosses sommes… tous les éléments sont réunis pour la recette d’un EP qui aide à se vider la tête toute en la bougeant en rythme.

Aussi court qu’efficace, ce projet commun, qui est une belle synthèse de leurs univers respectifs, est un franc succès. Les deux talents émergeants se sont visiblement bien trouvés, tant sur le plan humain que musical. On espère que Avant les yeux saura propulser les deux kickeurs et qu’ils continueront à nous dévoiler quelques collaborations dans les temps futurs.

NOS MORCEAUX DU MOIS

Costa – « Toc Toc »
L’Don – « J’rappe la frime »
Kikesa – « Chaud »
Rémy – « Larmes »
Max – « Big Ben »
Charles BDL – « 64 »
Slkrack – « Goal »
Le Risque – « La nuit à Paris »
Sicario – « C.E.R »
L’uZine – « Réunion »
Jnr – « HERMÈS »
Elh Kmer – « Monsieur »
Sheldon – « Light Off »
Naps – « La danse du Roro » (ft. Koba LaD & Maes)
Lost – « CHEF DE TRIBU »
Théodore – « Henny Pop »
Houdi & Stony Stone – « Hnina »

Elh Kmer – « Nouvelle Map »
Gims – « Hernan Cortes »
Le Risque – « Akrapovic »
Wood – « J’peux pas rester »
Mairo – « nouvelle écriture »
H JeuneCrack – « Présidentiel flow »
USKY – « Retina » (ft. SDM)
So La Zone – « La Rue m’a eu »
Houdi & Stony Stone – « Pas normal »
JMK$ – « Prêt à gagner »
Green Montana – « Ginger Mc Kenna »
Naps – « Le fruit de mon époque »
Jnr – « RÊVE NOIR »
Sheldon – « Noir Parler »
Shtar Academy – « Condamné » (ft. So La Zone)
Lost – « MALSAIN ET SAUF »